PAT'APOUF revient !


Gervy (Yves Desdemaines-Hugon) créa Pat'Apouf en 1938 pour le Pélerin et l'anima pendant 35 années. Jean Ache, Conversin, Gulcis, Ballofet lui succédèrent jusqu'en 1990. J'ai appris à lire en déchiffrant ''l'Aiguille blanche'', c'est dire si ce héros m'a fasciné. Quand la série s'arrêta définitivement, j'eus la prétention de la continuer, aveugle sur mon manque de savoir-faire. Voici l'histoire, imaginez ce qu'elle aurait donné entre les mains d'un vrai dessinateur...


P 1
Le matin. Pat'Apouf se rase puis rejoint Jacky dans la cuisine pour le petit déjeuner.
PAT : Je dois faire quelques courses en ville. Je te dépose au lycée ?
JACKY : Pas de refus, ça m'évitera de galérer après le bus.
Dans l'auto :
PAT : Tu veux que je t'achète une nouvelle mobylette ?
JACKY : Pour qu'on me la vole comme la précédente ? Non, merci !
PAT : Allons ! Il ne faut pas voir des voleurs partout.
JACKY : Atterris tonton, on est en 95 !
Jacky descend de l'auto devant le lycée.
PAT : A ce soir ! Tu rentres par tes propres moyens ?
JACKY : Ben oui, en bus comme d'habitude.
A l'instant ou Pat redémarre, son attention est attirée par...

P 2
Un gros homme, au volant d'une puissante voiture, menace du geste un jeune motard de dos, qui lui répond par un doigt d'honneur.
PAT : Ce type, là bas... Pas d'erreur, c'est Roger le Fourgue, un receleur notoire.
Il sort de sa voiture, se dirige vers Roger.
PAT : J'ignore ce qu'il mijote, mais je vais lui rappeler quelques mauvais souvenirs.
Narquois, pipe au bec, Pat s'accoude à la voiture de Roger, stupéfait par l'apparition>.
PAT : Salut Roger ! Toujours dans les magouilles ?
ROGER, terrorisé : Oh ?... Ins... Inspecteur ?...
PAT pense : ''Inspecteur'' ? Ce vieux Roger ne sait donc pas que j'ai raccroché les gants.
ROGER, suant de trouille, adresse un grand sourire apaisant au détective : Oh non, Inspecteur, je suis rangé des voitures maintenant. Je vis tout ce qu'il y a d'honnêtement !...
PAT, sévère : Tiens donc ?...
PAT tire Roger par le colbak et fait le méchant : Je l'espère pour toi, ma biche ! Tu n'oserais pas mentir au vieux Pat, n'est-ce pas ?
ROGER, mort de peur : Oh non, Inspecteur !...
PAT lâche Roger et se redresse, index menaçant : Allez, casse-toi ! Et que je n'entende plus jamais parler de toi !
ROGER, filant doux : Oui... Oui, Inspecteur.
PAT, heureux : Ah ! Ça fait du bien de sentir qu'on inspire encore le respect.
A cet instant, un petit groupe de lycéens croise son chemin, dont un à solex qui manque de le bousculer.
LE LYCEEN A SOLEX s'exclame : Bon sang ! Il peut pas regarder où il marche, le vieux ?
PAT, contrit : ...Enfin... Parfois.

P 3
Jacky et ses copains devant l'entrée du lycée
ELSA : Attention ! Voilà Franck et sa bande !
Franck et ses deux copains garent leurs motos devant le lycée. Nous reconnaissons en Franck le jeune motard qui se disputait avec Roger à la page précédente à l'emblème cousu sur le dos de son blouson (un serpent) Les trois adolescents, agressifs, roulant des mécaniques, entrent dans la cour du lycée en bousculant un élève qui ne se gare pas assez vite.
LE LIEUTENANT : Poussez-vous les gosses !
FRANCK : Place aux vrais hommes !
JACKY serrant les poings : Cette brute s'imagine faire la loi ici ?...
ELSA : C'est plus grave que ça Jacky. On chuchote qu'il rackette les plus petits. Mais aucun n'ose se plaindre par peur des représailles.
Une salle de classe. Jacky et ses copains suivent attentivement le cours. Au fond, Franck et ses potes fument et boivent de la bière, assis sur les tables.
LE PROF exaspéré : Franck, si ce que je raconte ne vous intéresse pas, vous pouvez toujours sortir !...
FRANCK : Bah ! Ce que vous racontez n'intéresse personne !

P 4
LE PROF : Quoi ? Petit insolent !
FRANCK : Mais oui, tout ce baratin ne sert à rien.
LE PROF : A rien ? Nous sommes là, nous les profs, pour vous apprendre à réfléchir, pour vous donner des chances supplémentaires de réussir dans la vie...
FRANCK s'adresse aux autres élèves : Réussir ? C'est la crise partout ! En sortant d'ici, vous serez chômeurs, ou pire : larbins. Esclaves. C'est ça que vous voulez ? Pas moi ! Moi, je veux vivre libre ! Tout de suite ! A cent à l'heure !
Au prof : Vous vous en fichez bien que nous réussissions ou non, vous n'êtes là que pour toucher votre paye à la fin du mois.
LE PROF, hors de lui, lève la main comme pour frapper Franck : Insolent ! Tais-toi, sinon...
FRANCK, narquois, sort un cran d'arrêt sous le nez du prof : Sinon quoi ?
Le prof recule, blême, poings serrés.
FRANCK : Tu as peur de te battre ? T'es même pas un homme !
Il quitte la salle : Salut à tous, bande de moutons ! Je vous abandonne à vos illusions et à votre berger minable !

P 5
L'heure de la sortie. Les élèves se dispersent en bavardant devant le lycée.
UN LYCEEN : Quelle affaire ! Tout le lycée ne parle que de l'humiliation infligée par Franck au prof d'histoire.
JACKY : Regardez : voilà le ''héros du jour'' !
Les trois motards enfourchent leurs machines. FRANCK harangue ses acolytes : Avec moi les hommes, on va leur faire un rodéo d'honneur !
Faisant rugir leur moteur, ils se livrent à un ballet périlleux:roue arrière, passage au ras des voitures qu'ils contraignent à stopper net, dérapages... Les riverains sortent sur le pas de leur porte, excédés par le vacarme.
SOBIESKI à sa fenêtre, poing tendu : Petits voyous ! Tous les jours pareil ! Je travaille de nuit, moi. Arrêtez votre boucan, sinon...
FRANCK, index levé : Je t'emmerde, le vieux ! Va te faire...
SOBIESKI réapparaît, brandissant un fusil de chasse : Vaurien ! Tu vas voir ! Je vais te plomber, moi !...
FRANCK donne l'ordre de dispersion en passant devant Jacky : Il en est capable. Filons les gars ! De toute façon, j'ai un rencart à ne pas manquer. A demain !

P 6
Tandis que les motards s'éloignent, Jacky pousse un juron : l'autobus qu'il devait prendre vient de démarrer et il est déjà trop loin pour qu'il puisse le rattraper.
JACKY : Minute ! Le bus doit contourner le quartier des Bateliers. En coupant à travers le terrain vague, je peux l'attraper à l'arrêt suivant.
Il s'élance en courant, franchit le pont sur le canal, se faufile à travers une palissade.
JACKY, triomphant : Le terrain vague. Et de l'autre côté : l'arrêt de bus.
C'est alors qu'il pousse une exclamation de surprise/ au milieu du terrain vague, Franck qui a garé sa moto à deux pas, bloque d'une main un jeune élève par le col et lève le poing pour le frapper.

P 7
Bouillant d'indignation, JACKY jette son sac à dos et se précipite sur Franck, poings en avant : Lâche ! Tu t'attaques à des gosses, maintenant ?
FRANCK lâche sa victime et sort un couteau à cran d'arrêt : Mêle-toi de tes affaires, minable !
Franck fauche l'air de sa lame. Jacky esquive, mais pas assez vite : son sweat-shirt est fendu et son tose zébré de rouge.
Il fauche le poignet de Franck, le tord et projette son agresseur au sol.
JACKY pense : Ouf ! Merci pour tes leçons d'aïkido, Tonton !
FRANCK se relève, poignet et dos douloureux : Ce petit con est plus costaud qu'il ne paraît. Je ne suis pas sûr de le battre.
Il enfourche sa moto et s'éloigne en menaçant Jacky : Je te retrouverai avec ma bande et tu regretteras de m'avoir tenu tête !
JACKY s'est mis en garde : Tout de suite si tu veux, grand lâche !
Il regarde autour de lui : Et le gamin ? Il s'est sauvé sans demander son reste.

P 8
Pat Apouf prépare le repas du soir. Il découvre l'estafilade sanglante sur le torse de Jacky qui rentre.
PAT : Tu as encore raté ton bus ?... Mais ? Mais tu es blessé !
JACKY : Juste une estafilade. Je vais t'expliquer...
Dans la salle de bains, PAT désinfecte la blessure de Jacky, qui serre les dents : Ce Franck est une grande gueule, mais il est capable de vouloir se venger. Demain, j'irai en parler au Proviseur.
JACKY, piqué au vif : Hé, ho ! J'ai pas besoin d'une mère-poule !
Le lendemain, bureau du PROVISEUR : Malheureusement, Monsieur Pat Apouf, Franck n'est pas un cas isolé. Et, à part cette altercation avec notre professeur d'Histoire, il a toujours été assez malin pour que rien de très grave ne puisse être prouvé contre lui.
PAT : On dit qu'il rackette les plus jeunes.
PROVISEUR, embarrassé : Hélas, aucun n'ose se plaindre par peur de représailles. Légalement, je n'ai aucun motif pour l'exclure.

P 9
Dans le commissariat du quartier, Pat s'entretient avec un gros Officier de Police perplexe.
O.P : Bien sûr, nous avons déjà gaulé ces voyous, mais seulement pour des broutilles : assurance, port du casque...
Je suis persuadé qu'ils volent des autoradios, des mobylettes et même des voitures. Mais nous n'avons jamais pu les prendre sur le fait, nous ne sommes pas assez nombreux.
Nous perdons notre temps à remplir des montagnes de paperasses, alors que nous serions plus utiles sur le terrain.
Et vous ne me parlez que de la bande à Franck. Mais notre ville regorge de despérados comme lui, tous issus de familles défavorisées que la Crise économique frappe en priorité. Privés d'avenir, ils rejoignent leur père au chômage sitôt sortis du lycée. Je défie votre gosse, s'il était dans leur cas, de ne pas succomber au désespoir, à la délinquance et même à la drogue !
Parfois, je me demande à quoi je sers : suis-je le bras de la Justice au service de tous les citoyens ? Ou seulement le chien de garde d'une société de nantis contre ses exclus ?
PAT le réconforte, pose la main sur son épaule : Où puis-je rencontrer les parents de Franck ?
O.P : J'ai leur adresse là...

P 10
Pat arrive dans le quartier où habite Franck : immeubles HLM sinistres, gamins jouant au foot entre les voitures stationnées, adolescents désoeuvrés bricolant des mobylettes, adultes sortant du bistrot, dealer observant Pat d'un air suspicieux.
L'entrée de l'immeuble est sombre, taguée, jonchée d'ordures cuiller seringue, boîtes à lettres et portes de caves vandalisées.
Pat gravit un escalier, arrive sur un palier, avise les numéros des portes, s'apprête à sonner.
Il suspend son geste : des éclats de voix, des bruits de dispute fusent à travers la porte : Voyou ! Petit morveux !...
Pat entre discrètement et découvre une scène de dispute entre Franck et son beau-père. Dans un angle du modeste salon, la mère apeurée n'ose intervenir.
BEAU-PERE : Quand j'avais ton âge, je respectais mon père, moi !
FRANCK : D'abord, t'es pas mon père ! Et pui, comment veux-tu que je te respecte ? Tu n'es qu'un fainéant, un ivrogne...
BEAU-PERE, lève le bras pour frapper : Insolent ! Je vais te...
D'un revers, Franck jette l'ivrogne à terre, sous le regard terrorisé de sa mère.
Tandis que Franck quitte l'appartement, le BEAU-PERE vocifère : Petit con ! Je te tuerai ! Tu entends ? Je te tuerai !

P 11
Après la sortie fracassante de Franck, Pat entre dans le salon.Le beau-père se relève, soutenu par sa femme. A la vue de Pat, il stoppe net ses vociférations.
BEAU-PERE : Sale petit... Qui... Qui êtes-vous ?
PAT, apaisant : Un ami, Monsieur. Mon neveu fréquente le même lycée que votre fils.
BEAU-PERE, hargneux, désigne sa femme : Ce petit fumier ? C'est son fils, pas le mien !
A sa femme, massant sa joue endolorie : J'aurais mieux fait de te laisser dans la rue avec ton marmot, quand je t'ai rencontrée. Voilà comment il me remercie de le nourrir.
LA FEMME : Tu peux parler ! C'est moi qui fais bouillir la marmite avec mes ménages. Si tu ne t'étais pas fait virer, nous n'en serions pas là, tous les trois.
BEAU-PERE : C'est ma faute, si l'usine a fermé ? Si elles ferment toutes ? Si les esclaves français coûtent trop cher aux patrons ?
Il se radoucit, s'adresse à Pat, ouvre un bar bien garni en souriant : Mais ne parlons plus de tout ça. Vous vouliez me causer ? Qu'est-ce que je vous sers ?
PAT salue poliment et se dirige vers la sortie : Rien, merci. Ne vous dérangez pas pour moi, je ne faisais que passer.

P 12
Au lycée, pendant l'inter-classe, le jeune Simon lit, seul à l'écart.
Une main se pose sur son épaule. Il sursaute. C'est Jacky.
JACKY : Salut ! Tu me reconnais ? C'est Zorro.
Simon veut s'éloigner, JACKY le retient sans brutalité : N'aie pas peur ! Qu'est-ce qu'il te voulait le loubard, hier soir, dans le terrain vague ?
SIMON, craintif : Je... Je ne sais pas. Laisse-moi...
La sonnerie annonçant la fin de l'inter-classe retentit. Simon s'éclipse.
JACKY : Je n'attendais pas de remerciement, mais tout de même !
Il happe un ''Sixième'' qui passe : Comment il s'appele ton copain, là ?
SIXIEME : Lui ? C'est Simon Lombard. Son père est plombier, rue des Bateliers. Mais c'est pas mon copain : il est timide, renfermé, il fréquente personne.
JACKY pense : S'il a des problèmes, c'est pas en restant seul qu'il les résoudra. Je ferais bien de lui rendre visite, samedi.
Soudain, au détour d'un couloir, il découvre un spectacle surprenant.

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Franck et son lieutenant Mikael se disputent sous l'oeil de leur copain Antony. Jacky recule dans l'ombre et les épie.
MIKAEL : Tu es fou ! On ne peut pas faire ça !
FRANCK : Mais si, et ça va nous rapporter un max : ce gros porc est cousu d'or, avec tout ce que les petits gars comme nous lui rapportent.
MIKAEL : Tu vas trop loin. C'est au ''Milieu'' que tu t'attaques. Tu vas nous faire tuer !
FRANCK : Trouillard ! Pauvre minable ! Si t'en as pas, fallait pas faire partie de ma bande !
MIKAEL, piqué au vif, lève les poings vers son chef : Je n'ai jamais laissé personne m'insulter. Retire ça tout de suite !
FRANCK : Sinon ?...
Prompt comme l'éclair, Franck expédie Mikael au tapis d'un direct bien tiré.
FRANCK : C'est moi le chef. Et j'insulte qui je veux. Désormais, Antony sera mon lieutenant, à ta place. Ça t'apprendra.
Mikael se relève, bouillonnant de rage. Antony interrompt leur querelle en leur désignant un spectacle hors-champ.
ANTONY : Franck ! Mikael ! Regardez !

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Sur le parking extérieur au lycée, trois loubards taguent les motos de la bande à Franck.
FRANCK : La bande à Jos !
MIKAEL : Les fumiers ! Nos motos !
Franck et les siens foncent vers le parking, prêts à la baston.
ANTONY : Ils nous défient sur notre propre territoire.
FRANCK enfourche sa moto : Ca ne doit pas rester impuni, sinon nous serons la risée des autres bandes !
Jos s'éloigne sur sa moto, majeur dressé. Gaz à fond, Franck le rattrape en faisant tournoyer sa chaîne anti-vol.
Les chaînes se heutent tandis que les adversaires se croisent, comme dans un tournoi de chevalerie.
Les motos dérapent, font demi-tour, reviennent à la charge.
En un éclair, Franck se couche sur le réservoir, évitant l'arme de Jos qui siffle au-dessus de sa tête...
… et le frappe d'un revers de chaîne dans le dosest désarçonné en poussant un cri de douleur.

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Jos roule lourdement sur le sol, tandis que sa moto part en glissade sur le flanc.
Il se relève péniblement, repoussant ses copains venus l'aider.
COPAIN : Jos ! Ça va ?...
JOS : Ma moto !
Il examine sa moto que ses copains ont relevée. Il essuie amoureusement une rayure du bout des doigts.
JOS : Ouf ! Elle n'a rien.
Il remonte en selle et s'éloigne, suivi par sa bande. Il se retourne , poing brandi à l'adresse de Franck.
JOS : Je te revaudrai ça, Franck, on se retrouvera et je t'éclaterai la gueule !
Ce soir-là, Pat et Jacky échangent leurs observations de la journée. Au-dehors, l'ombre envahit tout.
Le lendemain, JACKY descend du bus, sac à l'épaule. Il pense : Je suis en avance. En descendant à cet arrêt, j'aurai le temps de rejoindre le lycée en faisant un petit footing à travers le terrain vague.
Il se faufile entre des planches disjointes de la palissade...
… et se fige net : au milieu du terrain vague, gît le corps sans vie de Franck.

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JACKY, penché sur le corps de Franck, tâte son pouls à la jugulaire : « Vivre libre, tout de suite, à cent à l'heure » Pauvre Franck !
PAT au téléphone, pousse un cri de surprise : Quoi ? Ne touche à rien ! J'arrive tout de suite !
Pat arrive sur les lieux du drame. Le terrain vague est envahi de policiers qui prennent photos et mesures, pendant que d'autres embarquent dans un fourgon le corps de Franck recouvert d'un drap. Quelques badauds se pressent à distance.
PAT présente ses papiers : Ex-inspecteur Pat Apouf. Me permettez-vous de suivre votre enquête, Commissaire ?
COMMISSAIRE : Très honoré, Mr Pat Apouf. J'ai entendu parler de votre légendaire sagacité. Mais elle ne nous sera d'aucun secours aujourd'hui. L'enquête est pour ainsi-dire close. J'ai déjà mis la main sur le suspect N° 1, autant dire le coupable.
PAT : Ah ?
Ils prennent place dans une voiture qui les emmène jusqu'au commissariat.
COMMISSAIRE : Réfléchissez ! Dans toute affaire de meurtre, le coupable est neuf fois sur dix le soi-disant témoin qui prétend avoir découvert le crime. Et pour cause !
PAT : Et alors ?...
Ils entrent dans la salle des ''pas perdus'' au fond de laquelle se trouvent les cellules. Dans l'une d'elles, le Commissaire, triomphal, désigne... Jacky !
COMMISSAIRE : Alors, il ne tardera pas à avouer, croyez-moi !

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Pat et le Commissaire dans une auto de police.
COMMISSAIRE, très embarrassé : Je suis confus de cette méprise Mr Pat Apouf, vraiment désolé !
PAT, amusé : Bah ! Vous n'avez jamais été victime d'une erreur judiciaire, vous ? Ah ! Ah !
Ils descendent de voiture devant l'institut médico-légal. Avant d'entrer, Pat achète un sandwich à une baraque à frites.
PAT : Assez perdu de temps. Le légiste a déjà dû commencer l'autopsie.
COMMISSAIRE, mal à l'aise : L'autopsie ?... Vous voulez que nous assistions à l'autopsie ?
PAT, désignant son sandwich : Evidemment. Permettez ? J'ai un petit creux.
Dans le bloc, Pat examine attentivement le ''client'' tout en mastiquant son sandwich, tandis que le Légiste donne ses conclusions. En retrait, le Commissaire vire au vert.
LEGISTE : La mort est survenue hier entre 17h30 et 18h. Elle a été donnée au moyen d'un instrument contondant, d'un seul coup porté au sommet du crâne.
PAT : L'assassin était donc plus grand que sa victime.
Penché sur le corps, il désigne la blessure : C'est quoi, ces particules brillantes sur les bords de la plaie ?
LEGISTE : Des éclats de chrome.
PAT : L'arme était donc un outil chromé. Une clé anglaise, par exemple.
LEGISTE : Par exemple.
Derrière eux, le Commissaire se précipite vers la sortie, une main comprimant sa bouche.
Dans la voiture qui s'éloigne de l'Institut, le Commissaire, vert, nez à la fenêtre.
PAT soliloque : Entre 17h30 et 18h d'un coup de clé anglaise...Tss ! Manquait de moutarde, ce sandwich.

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PAT descend de la voiture de police. Au Commissaire : Merci d'avoir attendu le résultat d'autopsie pour annoncer la pénible nouvelle aux parents. Avec votre permission, je m'en charge.
COMMISSAIRE, nauséeux : Av... Avec plaisir...
Dans l'appartement où vivait Franck, PAT aimable, l'air détaché, serre la main du beau-père : Et où étiez-vous hier entre 17h30 et 18h ?
LA MERE, aigrie : Cet ivrogne ? Où vouliez-vous qu'il soit ? Je l'ai ramassé au bistrot en sortant du travail, à 17h et je l'ai ramené ici ivre-mort. Il a passé la nuit à cuver en ronflant comme un sonneur. Quelle misère !
BEAU-PERE : Tais-toi, femme, je suis le maître ici !
PAT pense : Ce type est trop saoûl pour simuler.
A la mère : Et Franck ?
LA MERE : Il n'est pas rentré de la nuit. Mais j'ai l'habitude, malheureusement.
BEAU-PERE : Encore à traîner avec ses voyous de copains.
LA MERE, inquiète : Franck... Il a fait des bêtises ?
BEAU-PERE : Tu vois ? Les flics l'ont coffré. Gibier de potence, ouais !
PAT, très sec, au beau-père qui recule : Taisez-vous !
Grave, à la mère : Madame, il est arrivé un... un accident à Franck. Je suis navré...
Au milieu du grand salon dérisoire, la mère sanglote contre la poitrine de Pat. Visage sombre, celui-ci pose une main réconfortante sur l'épaule de la malheureuse.

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Devant le petit garage qui leur sert de QG, dans une ruelle déserte en bordure d'un terrain vague, Jos et sa bande fument et boivent de la bière autour de leurs motos. Jos donne un dernier coup de lustrine à la sienne, heureux de faire disparaître les traces de la veille.
SON LIEUTENANT : N'empêche, Franck t'a bien fait mordre la poussière, hier.
JOS, furieux : Ce fumier ? Je lui ferai avaler ses dents ! Je le tuerai !
Tous se retournent, surpris par l'apparition silencieuse de Pat.
PAT : Ce ne sera pas nécessaire, Jos.
JOS : Qui êtes-vous ? Un flic ?
PAT, très calme : Ni flic, ni journaliste. Juste un homme qui cherche la vérité... Et la justice, aussi.
JOS, menaçant : Conneries ! Ici, c'est notre territoire. Cassez-vous !
PAT, imperturbable, désigne un outil : C'est bien une clé anglaise, ça ?
JOS s'empare de la clé et menace Pat : T'as pas compris, le bourge ? Je t'ai dit de gicler !
Les voyous encerclent Pat, brandissant qui un marteau, qui une barre de fer, qui une chaîne anti-vol.
JOS : Allons-y les gars, on va lui apprendre à se mêler de ses affaires à ce mouchard !

P 20
Ici, 2 grandes cases identiques montrant en plongée Pat entouré par les loubards.
PAT, très calme : Vous voulez vous battre en hommes ? A votre guise...
Case suivante : les loubards K.O jonchent le sol, armes éparpillées.
PAT, toujours aussi calme, époussette ses mains : Maintenant, les enfants, je vous écoute...
Jos et les siens se relèvent péniblement, massant leurs reins, crânes et mâchoires douloureux, yeux pochés, nez sanguinolent.
PAT à Jos : Où étais-tu hier, entre 17h30 et 18h ?
LA COPINE DE JOS : Il...
JOS, encore plus vindicatif, la coupe d'un geste : Qu'est-ce que ça peut lui fiche, s'il n'est pas un flic ?
PAT : Je vois...
Imperturbable, il saisit un bidon d'essence, imbibe un chiffon qui traînait et l'introduit dans le réservoir de la moto qu'il vient de déboucher.
JOS : Hé ! C'est ma moto ! Qu'est-ce que vous...
Pat : Recule...
Il bourre sa pipe, craque une allumette sous les yeux terrifiés de Jos.
PAT : Quand l'allumette me brûlera les doigts, je la jetterai. Je t'écoute...

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JOS, affolé : Nooon ! Ne faites pas ça !
PAT, imperturbable : Vite, ça chauffe.
JOS, agenouillé aux pieds de Pat, agrippé à sa veste : Hier soir, après la volée que m'a filé Franck, je suis allé à la pharmacie.
SA COPINE : C'est vrai, M'sieur ! On a acheté du synthol et de l'arnica et c'est moi qui l'ai frictionné.
PAT souffle l'allumette. Souriant, il pose une main paternelle sur l'épaule de Jos : Hé bien voilà ! Le pharmacien confirmera.
Il entraîne Jos et, machinalement, rallume sa pipe : Tu vois, la vérité, c'est pas si compliqué que ça...
PAT jette l'allumette par-dessus son épaule : … Pas la peine de se mettre en colère...
Violente explosion, derrière les deux hommes.
Jos, visage décomposé, contemple le spectacle hors-champ que vous imaginez.
PAT, embarrassé : Jacky a raison : je devrais arrêter de fumer.

P 22
Le soir. Jacky, studieux, assis à son bureau. Pat rentre, de mauvaise humeur
JACKY : Alors ?
PAT : Chou blanc ! Le pharmacien a confirmé l'alibi de Jos et le patron du bistrot celui du beau-père de Franck
JACKY : Pourtant, ces deux-là avaient de bonnes raisons de le détester.
PAT, en colère : Après tout, pourquoi je me mêle de ça ? J'ai démissionné de la police, puis rendu ma licence de ''privé'' pour ne plus entendre parler de crime, ne plus patauger dans toute cette fange !
JACKY, amusé : Mais tu es un justicier dans l'âme, Tonton. Je te connais. Ce n'est plus ton job, mais je sais que tu brûles de démasquer le coupable. Et puis, rien n'est pire qu'ignorer la vérité.
PAT, calmé : Tu as raison. Voyons... Qui d'autre avait un motif pour commettre un tel acte ? Que m'as-tu dis hier, à propos de ton prof d'Histoire ?
JACKY, choqué : Tu ne penses tout de même pas qu'un professeur, même humilié publiquement, puisse assassiner son élève ?
PAT : Il ne faut négliger aucune piste. Chacun de nous peut commettre un jour un acte criminel, s'il est pris dans un engrenage de circonstances qui annihilent, ne serait-ce qu'un instant, sa conscience morale : la peur, la haine, l'avidité...
Le lendemain, au lycée, après les cours, Pat rencontre le prof sur le seuil de sa classe.
PAT, serrant sa main : Enchanté Monsieur, je suis le tuteur d'un de vos élèves.

P 23
Le priof invite Pat à entrer dans sa classe, où se trouve une jeune femme.
PAT : Mais... Je vous dérange ?
LE PROF : Pas du tout. Melle Leroy, professeur de français de ce lycée, passait m'emprunter un dossier.
Mlle LEROY : Hé bien, je vous laisse...
PAT : Je n'en ai que pour une minute. Je n'irai pas par quatre chemins : l'altercation que vous avez eue avec Franck pourrait faire croire à la police que vous en êtes l'assassin.
Stupéfaction du prof et de Mlle Leroy.
PAT, une main sur l'épaule du prof : Que faisiez-vous ce soir-là entre 17h30 et 18h ?
LE PROF se trouble : Ce soir-là ? Je... Euh... Je ne peux pas vous le dire !
PAT : Réfléchissez. J'ai confiance en vous, mais la police exigera la vérité avec moins de... ménagements.
LE PROF se ressaisit, le prend de haut : Non ! Je n'ai pas à vous répondre. Et puis, de quoi vous mêlez-vous ? Sortez, Môssieur, je n'ai rien à vous dire !

P 24
Comme Pat va quitter la salle, Mlle Leroy le retient : Attendez ! Il faut lui dire, Michel !
LE PROF : Non !
Mlle LEROY : Si. Je ne veux pas que la police te crée des ennuis par ma faute.
A Pat : Nous nous aimons, Monsieur. A l'heur où Franck était assassiné, nous étions... Euh... Ensemble dans mon appartement. Demandez au concierge, il nous a vus entrer.
PAT, souriant : Hé bien, pourquoi le cacher ? Tout cela est si simple ?
LE PROF : C'est à dire que...
Mlle LEROY, agressive : Ce SERAIT simple si tu avais divorcé depuis longtemps ! Quand auras-tu le courage de plaquer ton dragon, au lieu d'être obligés de nous rencontrer comme des voleurs ?
RUGISSEMENT, off : QUOI ?...
Sur le seuil de la classe, une femme explose de colère. Le prof et Mlle Leroy sont cloués de stupeur devant l'apparition.
PAT, souriant, au prof : Madame votre épouse, je présume ?
Il se retire discrètement, tandis que la virago se jette sur le couple adultère.
LA FEMME : Me faire ça à moi ? Salaud ! Me tromper avec cette moins que rien !
Mlle LEROY : Moins que rien vous-même !...

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Devant un miroir, Pat est en train de se grimer : lunettes noires, petite moustache. Il a revêtu un costume à rayures, coiffé un borsalino et ressemble à un truand des années 40.
JACKY entre, stupéfait : Que signifie cette mascarade ?
PAT : Un détail m'est revenu : l'avant-veille du crime, j'ai aperçu Franck en conversation orageuse avec un receleur de ma connaissance, Roger le Fourgue.
Il glisse un pistolet sous son aisselle : Je vais rendre une petite visite à ce vieux Roger. Mais s'il a osé refroidir un lycéen, mieux vaut prendre mes précautions.
Pat arrive dans un quartier mal famé : bars louches, night-club, ciné X, filles sur le trottoir.
Accoudé au zinc d'un bar louche, il s'entretient à voix basse avec le taulier.
PAT : Je cherche à me séparer de quelques objets de valeur. Tu connais un type de confiance qui me les achèterait à leur juste prix ?
LE TAULIER, lui glissant un papier : Va voir de ma part Roger le Fourgue. Voilà son adresse...
Pat arrive à l'adresse indiquée, un entrepôt désaffecté au fond d'une impasse sordide.
PAT : Le vrai coupe-gorge.

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L'entrepôt de Roger ressemble à la caverne d'Ali-Baba. Magnétoscopes et téléviseurs empilés, blousons de cuir, antiquités, objets d'art... Pat et Roger se serrent la main.
PAT : Je cherche des objets d'art pour un client de Marseille. Je suis arrivé avant-hier par le train de 17h30. Je vous ai cherché partout en vain.
ROGER : On vous a mal renseigné, l'ami ! Comme tous les mardis, je faisais mon billard au club de Gino.
PAT : C'est le petit Franck qui m'a conseillé de m'adresser à vous.
ROGER, furieux : Ah ! Ne me parlez pas de ce petit fumier ! Jusqu'à présent, il me fournissait en camelotte, réglo. Mais voilà qu'il veut me faire chanter, maintenant. Petit salopard ! Mais ça ne se passera pas comme ça ! Je demanderai à Aldo et ses hommes de lui frotter les côtes pour lui apprendre à respecter les règles du Milieu !
PAT se démasque : ça ne sera pas nécessaire, Roger.
ROGER, stupéfait : Pa... Pat Apouf ?!
PAT décroche le téléphone et immobilise Roger, terrorisé, par le col : Allô Commissaire ? Vérifiez si Roger le Fourgue ètait bien au club de Gino à l'heure du crime.
Après la réponse, il lève son poing pour le frapper : Je regrette que tu ne sois pas le coupable, Roger, j'aurais tant aimé t'envoyer à l'ombre. Je déteste ton sale boulot.
PAT se retire. Sur le seuil il se retourne, narquois, vers Roger étalé dans son butin, groggy, œil poché, nez saignant, vêtements en lambeaux : Tu connais le proverbe ? S'il n'y avait pas de receleurs, il n'y aurait pas de voleurs !

P 27
Dans un couloir désert du lycée, Jacky aborde Mikael, l'ex-lieutenant de Franck.
JACKY, pense : Méthode tonton Pat : intimidation.
MAIKAEL : Qu'est ce que tu veux, minus ?
Jacky lui allonge un direct au menton. Mikael part au tapis. Avant qu'il se relève, Jacky est déjà sur lui, prêt à frapper à nouveau.
MIKAEL : T'es dingue ! Qu'est-ce qu'il te prend ?
JACKY, menaçant : Je viens venger Franck ! J'ai assisté à votre dispute, l'autre jour. Avoue : c'est toi qui l'as buté ! Par dépit.
MIKAEL, effrayé : Tu es cinglé ! Je suis pas un assassin !
JACKY : Prouve-le !
MIKAEL : Ce soir-là, après le rodéo contre Jos, j'étais au garage Timéo. Ne le répète à personne. Le patron m'emploie au black. Je me fais un peu de fric, mais surtout j'apprends la mécanique. Je voudrais tant en faire mon métier !
JACKY : Si ça te botte, pourquoi te cacher ?
MIKAEL : Travailler honnêtement ? Franck m'aurait traité de lavette.
JACKY : Mais tout est changé. Tu es libre, maintenant. Suis un vrai contrat d'apprentissage !
MIKAEL, radieux : Tu as raison Jacky, merci !
Ils se serrent la main chaleureusement tandis que Mikael masse son menton endolori.

P 28
PAT répond au téléphone : Commissaire ?...
COMMISSAIRE : Venez vite mon cher Pat, ce coup-ci, ça y est !
Pat et Jacky déboulent au poste de police. Le Commissaire, triomphant, leur désigne Sobieski assis à son bureau, menottes aux mains, encadré par deux agents.
COMMISSAIRE : Je tiens enfin le coupable ! Devant témoins, la veille du crime, il a menacé la victime de son fusil.
PAT : C'est pas forcément une culpabilité, ça.
COMMISSAIRE exhibe une grosse clé à molette tachée de sang, dans un sachet en plastique étiqueté : Mais ça, c'est une preuve !
Il pérore, ravi d'en remontrer à Pat : L'arme du crime ! Couverte du sang de la victime ! Cachée dans une haie, près de son domicile !
PAT : N'importe quel habitant du quartier aurait pu la jeter là.
SOBIESKI se dresse, furieux. Malgré les menottes, le Commissaire a un geste de recul : Vous êtes cinglé ! Moi, tuer un gosse ? Mais vous êtes malade !
COMMISSAIRE : Votre impulsivité vous trahit, Sobieski. Avouez ! Exaspéré par le vacarme des motos, vous prenez le premier outil venu, et...
SOBIESKI montre la clé : « Premier outil venu » ? J'ai pas les moyens de bricoler avec ça, moi, c'est une marque de pro !
JACKY, atterré, pense : « Une marque de pro » ? Mon Dieu, ce n'est pas possible !...

P 29
Pendant que le Commissaire et son suspect se querellent verbalement, JACKY attire Pat en retrait : Tonton, viens avec moi ! Il faut vérifier quelque chose !
Dans l'auto, Jacky tire de sous son sweat-shirt l'arme du crime qu'il y dissimulait, à la grande surprise de Pat.
PAT : Quoi ? Tu as fauché la pièce à conviction ?
JACKY : C'est toi qui m'as appris comment subtiliser un objet sans se faire remarquer.
PAT : Où allons-nous ?
JACKY, retirant la clé de son emballage : Rue des Bateliers. A deux pas d'ici.
Ils descendent de voiture dans une rue tranquille, face à un atelier que désigne une enseigne : « Francis Lombard, plomberie, chauffage » Devant le portail, l'artisan charge ses outils dans une camionnette.
PAT lui tend la clé : Cet outil est à vous, Monsieur Lombard ?
LOMBARD : Ma bonne vieille clé ! Vous l'avez retrouvée ?
Caché dans l'embrasure de la porte, le petit Simon ne perd pas une bribe de la scène.
PAT : Vous êtres sûr que c'est la vôtre ?
LOMBARD : Je la reconnaîtrais entre mille : voyez cette éraflure que j'ai faite... Mais quel est le dégoûtant qui l'a trempée dans de la peinture ?
PAT, grave : Ce n'est pas de la peinture, Monsieur Lombard.
LA FEMME DE LOMBARD, affolée, surgit sur le pas de la porte : Francis ! Viens vite ! Simon vient de s'enfuir en pleurant !

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Jacky s'élance dans la rue, distançant de ses longues jambes Pat et Lombard.
JACKY pense : Rattraper Simon ! Il va faire une connerie.
Il traverse le terrain vague, arrive en vue du pont sur le canal. Au sommet de la passerelle, Simon est là, qui enjambe le parapet.
JACKY : Simon ! Attends ! Tu me reconnais ? C'est moi qui t'ai aidé, l'autre soir. Je suis ton ami.
SIMON, à cheval sur le parapet, visage baigné de larmes : Je n'ai pas d'ami. J'ai tué Franck. C'est affreux. Je suis un assassin.
JACKY tout en parlant, se rapproche doucement : Je ne comprends pas , Simon. Explique-moi.
SIMON : Il me rackettait... D'abord, il m'a pris mon blouson. Puis il a exigé que je lui rapporte de l'argent. J'en volais à ma mère en cachette. Il me frappait. Je n'en pouvais plus. Personne à qui me confier. Personne pour me protéger. Alors j'ai caché dans mon cartable une clé de mon père. Ce soir-là, quand il m'a menacé de son couteau, je le lui ai fait sauter des mains d'un coup de cartable. Et pendant qu'il se baissait pour le ramasser...
Il éclate en sanglots.
JACKY : Pourquoi n'en as-tu pas parlé à ton père ?
SIMON : Mon père est si sévère. J'avais peur qu'il me punisse pour m'être laissé voler. Je suis un assassin. Je ne peux pas vivre comme ça !

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JACKY : Simon, je suis ton ami ! Je t'aiderai à en sortir, comme je t'ai aidé, l'autre soir.
SIMON : Un ami ? Un vrai ? Comme un grand frère à qui je peux me confier ? Je n'en ai jamais eu. Tu voudrais bien ?
JACKY, tout près, ouvrant ses bras : Evidemment !
Simon et Jacky tombent dans les bras l'un de l'autre. Mais Simon, encore à cheval sur le parapet, est déséquilibré...
… et il tombe, entraînant Jacky, sous les yeux de Pat.
En aval du pont, Pat et les deux garçons se hissent sur la berge, étourdis, ruisselants, mais riant.
PAT fusille Jacky du regard : Bravo pour l'efficacité Jacky, heureusement que j'étais là !

La rue des Bateliers sous la neige, pour montrer que le temps a passé. Devant sa maison, Simon parle avec Pat et Jacky, qui lui remettent des cadeaux de Noël.
SIMON : Le juge pour enfants est un type formidable. D'une grande humanité. Mais c'est grâce à vous que je m'en suis sorti.
Ils se séparent. SIMON leur serre la main avec tristesse : Sorti... Mieux que ce pauvre Franck...
Pat et Jacky s'éloignent.
JACKY : Tu crois qu'il oubliera ?
PAT, sombre : Jamais. Un jour, moi aussi, j'ai été obligé de tuer pour défendre ma vie. C'était une crapule, un assassin... mais c'était un être humain. Et le remords est un châtiment qui te ronge toute ta vie.

Bruno Escudié 1994





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